Notre champ d’investigation pour notre prochaine création sera le cinéma comme lieu de mémoire et producteur d’un nouveau langage ouvert au monde.
Nous continuons notre mouvement d’écriture scénique multimédia amorcé avec le dispositif « une mémoire pour l’oubli » de Mahmoud Darwich en nous tournant vers « une autre mémoire pour l’oubli » celle du cinéma.
Choix du principe de l’asemblage collage comme procédé de narration : Un film est composé d’une série d’images généralement projetées à la cadence de 24 images par seconde. JL Godard isole l’image, l’extrait de son enchaînement pour la mettre en rapport avec d’autre images. Cette façon de procéder véritable invention de composition, faite de deux mouvements, un cut-up et une greffe, propre à cet auteur cinématographique, fait mettre en rapport des choses. L’effet est que cet assemblage-collage apparaît à première vue anachronique car il défie les codes de narration traditionnels.
Cette façon de mettre en rapport les choses, de les sortir de leur contexte, est une technique d’écriture à laquelle nous souhaiterions nous confronter, nous y aguerrir en l’expérimentant. En musique JL Godard a déjà fait des émules, John Zorn, le saxophoniste, alto, clarinettiste, producteur et compositeur américain avec son fameux : « The godard fans : Godard ça vous chante »
Nous partirons de l’oeuvre de JL Godard, nous y cheminerons, y glanerons des techniques de montage et de composition, pour élaborer notre propre univers à travers un théâtre de son, d’image, de parole, de musique.
Jean-Luc Goddard, en évoquant la splendeur et le déclin du 7e art, rend hommage à cette magnifique invention du XX siècle en ayant recours à l’écriture cinématographique. JLG est avant tout un artiste d’avant-garde, remettant en question et repoussant les frontières de l’art pour créer un univers qui lui est propre. L’énorme densité de l’œuvre de JLG, influente et variée, défie toute classification académique.
L’image filmique est intrinsèquement menacée de disparition. Il paraît que 80% des films muets ont disparu. Il y a d’énormes problèmes de conservation de films. La pellicule est un support fragile qui ontologiquement a toujours été très proche de sa propre ruine. La peau s’abîme si vite : pellicula n’est qu’un diminutif de peau.
Le numérique nous attend. Une page d’histoire se tourne.
Conserver une mémoire est une tâche impossible et insensée. Les œuvres sont éphémères, et sont vouées à disparaître. Il n’y en a que quelques-unes qui sont préservées du naufrage du temps.
Malgré la richesse de nos vieux musées, les vieilles images fabriquées à la Renaissance, non seulement celles détruites intentionnellement, mais encore celles que leur matériau, bois tendre, carton pâte, cire plâtre, appelait à disparaître, n’ont pas pu être conservé, elles ont disparu, et nous n’en avons aucune trace. Il y a des blocs, des pans de mémoire qui sont isolés par des grands manques.
Aby Warburg, historien de l’art, revendiquait une iconologie des intervalles. Il s’intéressait au réseau des intervalles qui courent d’une image (une Ménade antique par exemple) à une autre qui lui est totalement hétérogène dans le temps comme dans le sens (une Madeleine chrétienne par exemple). Toute la notion warburgienne de « survivance » (Nachleben) travaille à partir de montage de temps hétérogènes, autre façon de nommer la dynamique des intervalles. S’intéresser aux intervalles, c’est penser l’air et le temps qui passe entre les blocs. C’est configurer le manque lui-même et non pas le restaurer.
G.Didi Hubermann, quand on l’interroge sur la plasticité des ruines et le sens de son intérêt pour la grisaille, il répond simplement, dans les œuvres visuelles, cela donne l’air du temps, revenant qui souffle entre les tombeaux. Et dans les effluves duquel, les fantômes redeviennent visibles. Godard pour son film « deux fois cinquante ans de cinéma français », n’a choisi que des extraits en noir et blanc. Je me demande si l’on ne devrait pas dire qu’il a voulu les montrer non pas en noir et blanc mais en grisaille. Façon de suggérer leur statut de fragments survivants…
Si la couleur apparaît, il faudra vraiment que nous sachions pourquoi, sinon la dominante de notre « Inattendu comme promesse » a une tonalité grise et noire
Notre perspective n’est pas de brouiller le sens, mais d’éveiller d’autre sens, nous sommes à la recherche d’un langage où la narration chronologique est défaite dans la perspective de faire résonner des constellations de sens. que nous puissions fermer les yeux et que le son nous parle. Que nous puissions fermer les oreilles et que l’image nous parle. L’effet attendu auprès des spectateurs c’est que cela leur parlera autrement, le montage de l’ensemble doit se déchiffrer selon la valeur relative des idéogrammes, et ne suivra pas les lois d’une écriture alphabétique et syntagmatique. Nous bousculons l’ordre ordinaire de la représentation de la composition de la visualisation, de la narration de l’histoire, afin de nous amener à VOIR entendre percevoir AUTREMENT. Nous ne sommes pas des novateurs, nous essayons de parler la langue de notre temps, à l’écoute du monde, de l’actualité, de l’histoire, cet éternel recommencement.